Anne Laure Guichard Philosophie
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C'est de la vie que ça me vient,
de la vie quand elle passe dans ma vie,
quand ma vie se fait assez légère, pour n'être,
presque, plus, que passage...
Christian Bobin
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Je suis en train de corriger un livre qui porte sur la psychologie d'un point de vue subjectif, et là encore, non scientifique, j'avais besoin d'y mettre ma subjectivité, et je me rends compte que la question du statut des connaissances et du rapport entre les connaissances humaines revient à deux reprises dans ce texte aussi. C'est donc une question qui me taraude, et c'est une question sur laquelle j'ai envie de travailler, d'ailleurs, il faudra que je pense en partie la question dans mon prochain livre, sur les psychoses spirituelles, parce que la place de la spiritualité dans le champ de la recherche en psychologie est tout aussi délicate que la question du rapport des sciences et de la spiritualité dans le champ de la connaissance humaine.
C'est comme un effet miroir, il semble que si l'on intègre le langage de la spiritualité dans le domaine de la psychologie, alors on déleste la psychologie de sa scientificité, ou on la menace de non scientificité, d’où sans doute la dureté avec laquelle la psychologie envisage toute connaissance irrationnelle ; tout comme si on replace les sciences dans le champ plus large de la connaissance humaine, on déleste ces sciences de leur part de vérité inclusive, ou, pour le dire autrement, les sciences considèrent que seules les données scientifiquement validées sont à même d'attester d'une validité réelle, mais poser à leurs côté des connaissances spirituelles comme ayant une validité tout aussi précise semblerait une pensée non valide.
Quand Freud a écarté la parole ou la pensée magique de la psychanalyse et de la métapsychologie, pour fonder scientifiquement la psychanalyse, il s'est coupé de tout un champ de connaissance qui peut faire l'objet d'une étude scientifique rigoureuse, et ensuite d'une validation, bien que par son aspect apparent, ces savoirs, compréhensions et connaissances semblent n'avoir aucun lien avec une démarche scientifique.
Mais la démarche scientifique s'est toujours bâtie sur un questionnement et une remise en cause du sens commun, et des connaissances ordinaires, à quoi elle doit réfléchir et expérimenter, pour les valider ou les invalider.
De fait, le plus intéressant, c'est peut-être toute cette somme de connaissance que la science, ou les sciences n'ont jamais voulu considérer comme des objets potentiels d'étude, ne les ayant jamais pris au sérieux. La phénoménologie de la matière bouddhiste stipule que toute la phénoménalité du monde est fondée sur du vide, qui interagit avec lui-même, cette idée aurait parue inconsidérée aux yeux des positivistes, et pourtant la physique quantique est venue valider cette théorie du début du vingtième siècle dans les années 1980. Avant cela, la question du vide non pas comme espace vide mais comme vacuité et profusion était une question métaphysique impropre et si la physique quantique en est venue au même résultat que la phénoménologie de la matière bouddhiste, ça n'a jamais été par le biais d'une confrontation de la somme des connaissances en physique quantique avec le savoir ancestral de la tradition bouddhiste, à ma connaissance.
Cette confrontation n’a pas lieu dans tous les domaines des traditions spirituelles qui explicitent l’agencement du monde et de soi selon leurs propres théories, connaissances, expérimentations, directes ou indirectes dans un langage impropre aux yeux des sciences ou que les sciences ne savent pas traduire dans un vocabulaire plus contemporain, plus scientifique justement, et mieux fondé dans une expression adéquate à notre époque.
Le versant philosophique, physique et psychologique de ces traditions n’étant pas pris en compte par les sciences occidentales, ou très peu, ou balbutiant encore, il se manifeste un écart important, voire abyssale entre les connaissances recueillies par les spiritualités et les sciences occidentales, par exemple, le bouddhisme connaît dix états de conscience différents, de la conscience ordinaire à la conscience absolue, la psychologie européenne n’en connaît que trois conscient, subconscient, inconscient. L’écart phénoménal d’un apport qui n’a jamais eu lieu est à même de nous faire réfléchir à la place des connaissances spirituelles et à leurs fonctions, et de même la connaissance transcendante.
A suivre…